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Extrait Fleury-les-cavernes

Samedi 10 juin : Nous coucherons à la carrière ce soir et nous prenons nos dispositions dès le matin pour descendre notre matériel. Je fais placer dans les autoclaves les machines à écrire, nos dossiers de comptabilité, des matelas, les courroies neuves et tout ce que nous avons de précieux au bureau (niveau d’eau, ampèremètre, voltmètre, wattmètre, machine à calculer, plans). La journée a été relativement calme. Nous avons pu travailler en sécurité. La nuit a été froide, nous ne sommes pas encore habitués à séjourner longtemps dans cette atmosphère humide. Près de nous, des bébés ont pleuré une partie de la nuit. Ces pauvres enfants manquent de soins et les mamans déplorent cette situation qui les prive du nécessaire.

Dimanche 11 juin : La population de la carrière est telle qu’il a fallu organiser les galeries en secteurs. Chaque chef de secteur s’est procuré des ustensiles nécessaires pour ravitailler les personnes de son groupe. La cuisine est installée à proximité de la carrière à ciel ouvert. M. Maupertuis a disposé sur des rails un grand nombre de lessiveuses, plusieurs ouvriers de l’usine l’aident. Des corvées de bois et d’eau sont organisées. L’eau nous est fournie encore par la ville et descend dans la carrière par un tuyau d’incendie branché sur une bouche, en face du bureau.

L’alimentation de tous ces réfugiés est difficile surtout avec les moyens dont nous disposons. Les pouvoirs publics nous aident et chaque jour, il y a une conférence à la mairie à ce sujet. Il a fallu créer un service sanitaire. Plusieurs infirmières s’occupent des malades et créent une permanence au poste de secours que nous installons avec les médicaments dont nous disposions à l’usine.

L’accouchement de plusieurs femmes étant prévu, des dispositions en conséquence sont prises.

Chaque jour amène dans l’installation de nos malheureux réfugiés une petite amélioration à leur triste sort.

Lundi 12 juin : Rien de saillant à signaler.

Mardi 13 juin : Au moment où nous commencions à connaître un mieux sensible à notre situation, l’ordre préfectoral de l’évacuation de la population caennaise des carrières est arrivé vers dix-sept heures. C’est un bouleversement général. Chacun s’insurge contre cette décision qui va avoir pour effet de lancer sur la route plusieurs centaines de personnes parmi lesquelles se trouvent des malades, des impotents, des vieillards qui certainement ne pourront pas aller loin. Ordre gros de conséquences. Chaque famille tient un conseil. Nombreux sont les cas poignants et j’ai vu bien des larmes couler. Cette incertitude du lendemain jette une note de tristesse dans toute la carrière car, hélas ! il y a beaucoup de gens qui n’ont absolument rien et qui devront entreprendre un long chemin sans vivres, sans argent et avec le minimum de vêtements. Le ravitaillement a fait amener du beurre, des biscuits, des pâtes, du fromage pour être distribués à cette population qui est mise dans l’obligation d’émigrer par Bourguébus, Saint-Sylvain, Trun.

Le Directeur de la carrière